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LE MADRIGAL DRAMATIQUE. 39

Le trait caractéristique de ses œuvres profanes, est qu'elles sont toutes des comédies, ou scènes de comédies, au rebours de l'école florentine, qui n'écrit que des tragédies. Ce n'est pas qu'Orazio s'élève difficilement aux sentiments pathétiques et passionnés. Quelques pages de ses comédies mêmes nous montrent ce dont il était capable dans le style tragique. La douleur d'Isabella, à la nouvelle de la mort de son amant (1) , est d'un sentiment aussi délicat, et d'une tristesse dramatique aussi noble, que le déses- poir des Orphées florentins. D'ailleurs, on ne saurait oublier qu'Orazio était compositeur religieux, et surtout apprécié pour sa musique d'église. Mais sa sève exubérante a besoin d'une forme plus libre pour y répandre sa fantaisie et l'abondance de sa gaieté; il est trop vivant pour s'abstraire dans un genre archaï- que , et pour ne pas chercher d'abord le plaisir de ses contempo- rains et le sien propre.

C'est vers la comédie qu'il se tourne, parce qu'elle est la pein- ture et le reflet du monde qui l'entoure , le seul auquel il s'inté- resse. Il est curieux de l'entendre revendiquer ses droits et pro- clamer sa noblesse, comme Molière quatre-vingts ans plus tard , contre les partisans dédaigneux et étroits du « grand art. » -

« Les facéties grossières que l'on trouve dans beaucoup de co- médies de notre temps, et qui en sont le morceau de résistance plutôt que l'épice, sont causes que qui dit comédie, semble dire passe-temps bouffonesque. Us s'abusent, ceux qui donnent à si gracieux poème un sens aussi indigne. La véritable comédie, à la bien regarder, a pour objet de représenter, sous divers personna- ges, presque toutes les actions de la vie familière; miroir de la vie humaine, elle ne s'attache pas moins à l'utile qu'au plaisir, et il ne lui suffit pas de faire naître le rire (2). »

« On dira que c'est manquer aux convenances, démêler la mu- sique sérieuse et la musique plaisante, et que l'on jette ainsi le

(1) Amfiparnaso, acte II, se. 4 et 5.

(2) cr Le troppo smoderate e spesse facétie, che si veggono in moite Co- médie de nostri tempi introdotte piu tosto per cibo, che per condimento, hanno cagionato , che quando si dice Comedia, pare che si voglia dire un passatempo buffonesco. E pur sono errati quelli che danno à cosi gratioso poerna titolo cosi poco degno; percioche egli, essendo fatto con le débite regole , se si riguarda bene à dentro la sostanza sua, rappresenta sotto diverse persone, quasi tutte le attioni dell' huomo privato, la onde come specchio dell' humana vita , ha per fine non meno l'utile, che'l diletto, e non il movere solamente à riso, come forse alcuni si faranno à credere, che sia per fare questa mia Comedia musicale, non mirando punto al convo- nevole. » {Amphiparnaso, 1597. Hor. Vecchi, Ai lettori.)

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