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LE MADRIGAL DRAMATIQUE. 49

mence. Tour à tour défilent le Sicilien fou d'amour , la paysanne coquette, l'Allemand et son baragouin italien, l'Espagnol galant et contrit, le Français mourant d'amour (1), le Vénitien qui con- duit des dames au Lido , les criailleries des Juifs enfermés au Ghetto. Chacun des personnages s'exprime dans sa langue ou son jargon , avec ses manières propres , ses défauts physiques , jusqu'à ses tics de physionomie et de parole. Entre temps, les jeunes compagnons bavardent, se moquent l'un de l'autre; la belle Emilie fait des façons avant de s'exécuter; on flirte, on mé- dit, on applaudit ; le coq chante , et l'on va dormir. — Le soir sui- vant, le prince déclare l'Amour tyran, et appelle ses amis à la chasse. La Caccia d'Amore , symphonie dramatique et galante, parcourt monts et vallées, jusqu'à ce que paraisse au ciel la belle lune d'argent (2). — D'autres nuits, ce sont des jeux plus relevés, de musique et d'esprit : « Faites silence! Silence! je vous pro- pose un jeu. Voici que nous invite le feu qui pétille. Or que sont ici musiciens assemblés, il sera bien ce soir que tout se donne au chant; mais tel style chanterons, qui ne vous semble pas vil. Or ça, nous tirerons ce jeu de vos tristesses. Qui de vous tou- chera davantage le cœur avec ses doux accents, cestuy aura le prix de mémoire éternelle. Nous le pourrons nommer les Hu- meurs de la musique moderne. Vous oyez maintenant que c'est un jeu d'esprit, non moins que curieux. Or écoutez, vous autres, et prêtez attention à nos variés concerts (3). » Suivent une série de morceaux, dont chacun est consacré à l'expression de nuances

(1) Le Français : Plutost que io le dighe la cause de ma mort

Que ceste maladie radouble son effortz. Il faut mourire e remourire soubs l'amourous empire. Ung vray Amant doit costantmant endurer son martire. 11 faut mourir..., etc. Chœur : Bon pour ma foy e l'aire del Fransoy.

(2) « Hor che la luna inargentat' e bella compart' il.suo splendore — en questa part' e'n quella, non più giocchiam, perche son tarde 1' hore. Gitene a si bel lume a rigodere le gradite piume. »

(3) « Fate silentio. Silentio. Ch' io vub proporv' un gioco. Ecco à punto n' invita il crépitante foco , e vegghia non fu mai la piu compita. Hor che son qui addunati musicisti più pregiati, fia ben che questa sera tutta si doni al canto, quando perô sien di cantar contenti. Ma quale stile canterennoi che non vi paia vile, che quanti capi siam, tanti pareri, e meglio anco à la prova scoprirano i pensieri. Hor sii dunque da i vostri dispiaceri questo gioco traremo. Che chi di voi più desterà gli affetti col suo lodato modo, quell' havrà premio di mcmoria cterna, e lo potrem chiamare Gli Humori délia Musica moderna. Hor vi destate ch' è un gioco spiritoso, non men che cu- rioso. Voi ascoltat' intcnti il vario stile de nostri concenti. » (Veglie di Siena, 2" 18 partie.)

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