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la vie de Michel-Ange

avec une ivresse du sacrifice… Si elle n’avait sacrifié qu’elle ! Mais elle sacrifiait ses amis avec elle, elle reniait Ochino, dont elle livrait les écrits à l’Inquisition de Rome ; comme Michel-Ange, cette grande âme était brisée par la peur. Elle noyait ses remords dans un mysticisme désespéré :

Vous avez vu le chaos d’ignorance où j’étais, et le labyrinthe d’erreurs où j’allais, le corps perpétuellement en mouvement pour trouver le repos, l’âme toujours agitée pour trouver la paix. Dieu a voulu qu’il me fût dit : Fiat lux ! et qu’il me fût montré que je n’étais rien, et que tout était en Christ.[1]

Elle appelait la mort, comme une délivrance. — Elle mourut, le 25 février 1547.

Ce fut à l’époque où elle était le plus pénétrée du libre mysticisme de Valdès et d’Ochino qu’elle fit la connaissance de Michel-Ange. Cette femme, triste et tourmentée, qui avait toujours besoin d’un guide sur qui s’appuyer, n’avait pas moins besoin d’un être plus faible et plus malheureux qu’elle, pour dépenser sur lui tout l’amour maternel dont son cœur était plein. Elle s’appliqua à cacher son trouble à Michel-Ange. Sereine en apparence, réservée, un peu froide, elle lui transmit la paix qu’elle demandait à d’autres. Leur amitié, ébauchée vers 1535, fut intime à partir de

  1. Lettre de Vittoria Colonna au cardinal Morone (22 décembre 1543). — Voir sur Vittoria Colonna l’ouvrage d’Alfred de Reumont, et le second volume du Michelangelo de Thode.
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