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AMOUR

religieuses, dont il avait l’obscur pressentiment ; mais, comme l’a montré Thode, elle lui donna l’exemple de les chanter dans ses vers. C’est dans les premiers temps de leur amitié que parurent les premiers Sonnets spirituels de Vittoria.[1] Elle les envoyait à son ami, à mesure qu’elle les écrivait.[2]

Il y puisait une douceur consolante, une vie nouvelle. Un beau sonnet, qu’il lui adressa, en réponse, témoigne de sa reconnaissance attendrie :

Bienheureux esprit qui, par un ardent amour, retiens en vie mon vieux cœur, près de mourir, et qui, parmi tes biens et tes plaisirs, me distingues seul entre tant de plus nobles êtres, — telle tu apparus autrefois à mes yeux, telle maintenant à mon âme tu te montres, afin de me consoler… C’est pourquoi, recevant ce bienfait de toi qui penses à moi dans mes soucis, je t’écris pour te remercier. Car ce serait grande présomption et grand honte, si je prétendais te donner de misérables peintures en échange de tes créations belles et vivantes.[3]

Dans l’été de 1544, Vittoria revint habiter à Rome, au cloître Santa Anna, et elle y resta jusqu’à sa mort. Michel-Ange allait la voir. Elle pensait affectueusement à lui, elle cherchait à mettre un peu d’agrément et de confort dans sa vie, à lui faire en secret quelques petits cadeaux. Mais l’ombrageux vieillard, « qui ne voulait

  1. Rime con giunta di XVI Sonetti spirituali, 1539.
    Rime con giunta di XXIV Sonetti spirituali e Trionfo della Croce, 1544, Venise.
  2. « Je possède un petit livre en parchemin, dont elle m’a fait présent, il y a quelque dix ans, écrit Michel-Ange à Fattucci, le 7 mars 1551. Il contient cent trois sonnets, non compris les quarante sur papier, qu’elle m’envoya de Viterbe : je les ai fait relier dans le même petit livre… J’ai aussi beaucoup de lettres qu’elle m’écrivit d’Orvieto et de Viterbe. Voilà ce que je possède d’elle. »
  3. Voir aux Annexes, XVIII. (Poésies, LXXXVIII)
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