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la vie de Michel-Ange

de Jules II continuèrent de lui réclamer âprement l’argent, qu’ils prétendaient lui avoir été autrefois déboursé. Le pape lui faisait dire de n’y pas penser, et d’être tout à son travail de la Chapelle Pauline. « Mais, répondait-il,

« Mais, répondait-il, on peint avec la tête et non avec les mains ; qui n’a pas ses pensées à soi se déshonore : c’est pourquoi je ne fais rien de bon, tant que j’ai ces préoccupations… J’ai été enchaîné à ce tombeau, toute ma vie ; j’ai perdu toute ma jeunesse à tâcher de me justifier devant Léon X et Clément VII ; j’ai été ruiné par ma trop grande conscience. Ainsi le veut mon destin ! Je vois beaucoup de gens, qui se sont fait des rentes de 2 à 3.000 écus ; et moi, après de terribles efforts, je suis seulement parvenu à être pauvre. Et l’on me traite de voleur !… Devant les hommes, — (je ne dis pas devant Dieu), — je me tiens pour un honnête homme ; je n’ai jamais trompé personne… Je ne suis pas un voleur, je suis un bourgeois florentin, de noble naissance, et fils d’un homme honorable… Quand je dois me défendre contre des coquins, je deviens fou, à la fin !…[1]

Pour désintéresser ses adversaires, il termina de sa main les statues de la Vie active et de la Vie contemplative, bien qu’il n’y fût pas forcé par son contrat.

Enfin, le monument de Jules II fut inauguré à San Pietro in Vincoli, en janvier 1545. Que restait-il du beau plan primitif ? — Le seul Moïse, qui en devenait le centre, après n’en avoir été autrefois qu’un détail. Caricature d’un grand projet !

Du moins, c’était fini. Michel-Ange était délivré du cauchemar de toute sa vie.

  1. Lettre à un Monsignore inconnu (octobre 1542). (Lettres, édition Milanesi, CDXXXV)
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