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FOI

sion sur l’affection humble et flagorneuse de son neveu : cette affection lui semblait surtout s’adresser à son coffre-fort, dont le petit savait qu’il hériterait. Michel-Ange ne se gênait pas pour le lui dire. Une fois, étant malade et en danger de mort, il apprend que Lionardo est accouru à Rome et y a fait quelques démarches indiscrètes ; il lui écrit, furieux :

Lionardo ! J’ai été malade, et tu as couru chez Ser Giovan Francesco pour voir si je ne laissais rien. N’as-tu pas assez de mon argent à Florence ? Tu ne peux pas mentir à ta race et manquer de ressembler à ton père, qui m’a chassé, à Florence, de ma propre maison ! Sache que j’ai fait un testament de telle sorte que tu n’as plus rien à attendre de moi. Donc va avec Dieu, et ne te présente plus devant mes yeux, et ne m’écris plus jamais ![1]

Ces colères n’émouvaient guère Lionardo, car elles étaient généralement suivies de lettres affectueuses et de cadeaux.[2] Un an plus tard, il se précipitait de nouveau à Rome, alléché par la promesse d’un présent de 3.000 écus. Michel-Ange, blessé de son empressement intéressé, lui écrit :

Tu es venu à Rome avec une hâte furieuse. Je ne sais pas si tu serais venu aussi vite si je m’étais trouvé dans la misère et si le pain m’avait manqué !… Tu dis que c’était ton devoir de venir, par amour pour moi. — Oui ! l’amour

  1. Lettre du 11 juillet 1544.
  2. Michel-Ange est le premier à avertir son neveu, pendant une maladie, en 1549, qu’il l’a mis sur son testament. — Le testament est ainsi conçu : « À Gismondo et à toi, je laisse tout ce que j’ai ; en sorte que mon frère Gismondo, et toi, mon neveu, vous ayez des droits égaux, et qu’aucun ne puisse exercer une autorité sur mes biens sans le consentement de l’autre. »
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