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la vie de Michel-Ange

assez longtemps pour que celui dont il a reçu du bien tombe dans une faute évidente ; alors il a un prétexte de dire du mal de lui et de se libérer de toute reconnaissance. — Ainsi, on a toujours agi envers moi ; et pourtant pas un artiste ne s’est adressé à moi sans que je lui aie fait du bien, et de tout mon cœur. Et puis ils prennent prétexte de mon humeur bizarre, ou de la folie, dont ils prétendent que je suis atteint et qui ne fait tort qu’à moi, pour dire du mal de moi ; et ils m’outragent : — c’est le lot de tous ceux qui sont bons.[1]

Dans sa propre maison, il avait des aides assez dévoués, mais en général médiocres. On le soupçonnait de les choisir médiocres à dessein pour n’avoir en eux que des instruments dociles, et non des collaborateurs, — ce qui, au reste, eût été légitime. Mais, dit Condivi,

il n’était pas vrai, comme beaucoup le lui reprochaient, qu’il ne voulût pas instruire : au contraire, il le faisait volontiers. Malheureusement, la fatalité voulut qu’il tombât ou sur des sujets peu capables, ou sur des sujets capables, mais peu persévérants, qui, après quelques mois de son enseignement, se tenaient déjà pour des maîtres.

Il n’est pas douteux, d’ailleurs, que la première qualité qu’il exigeait de ses aides était une soumission absolue. Autant il était impitoyable pour ceux qui affectaient à son égard une indépendance cavalière, autant il eut toujours pour les disciples modestes et fidèles des trésors d’indulgence et de générosité. Le paresseux

  1. A. Piero Gondi, 26 janvier 1524.
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