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FOI

mourir avec lui, à cause de l’amour que je lui portais ; et il le méritait bien : car c’était un digne homme, loyal et fidèle. Sa mort fait qu’il me semble ne plus vivre, et je ne puis retrouver la tranquillité.

Sa douleur était si profonde qu’elle se fait plus cuisante encore, trois mois après, dans une lettre célèbre à Vasari :

Messer Giorgio, mon cher ami, il se peut que j’écrive mal ; cependant, en réponse à votre lettre, j’écrirai quelques mots. Vous savez qu’Urbino est mort, — ce qui est pour moi une peine très cruelle, mais aussi une grâce très grande que Dieu m’a faite. Cette grâce, c’est que lui qui, vivant, m’a gardé à la vie, mourant, m’a appris à mourir, non pas avec déplaisir, mais avec le désir de la mort. Je l’ai gardé vingt-six ans, et je l’ai toujours trouvé très sûr et très fidèle. Je l’avais enrichi ; et maintenant que je comptais sur lui pour être le soutien de ma vieillesse, il m’est enlevé ; et il ne me reste d’autre espérance que de le revoir en paradis, où Dieu, par la très heureuse mort qu’il lui a procurée, a bien montré qu’il devait être. Ce qui a été pour lui plus dur que la mort, ç’a été de me laisser vivant dans ce monde trompeur, et au milieu de tant d’inquiétudes. La meilleure partie de moi-même s’en est allée avec lui, et il ne me reste plus rien qu’une misère infinie.[1]

Dans son désarroi, il pria son neveu de venir le voir à Rome. Lionardo et Cassandra, inquiets de son chagrin, vinrent, et le trouvèrent fort affaibli. Il puisa une force nouvelle dans l’obligation que Urbino lui avait

  1. 23 février 1556.

    Michel-Ange termine ainsi : « Je me recommande à vous, et vous prie de m’excuser auprès de messer Benvenuto (Cellini), si je ne réponds pas à sa lettre ; mais ces pensées me causent tant de douleur que je suis incapable d’écrire. »

    Voir aussi la poésie CLXII :

    Et piango et parlo del mio morto Urbino
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