Page:Rolland Vie de Michel-Ange.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
la vie de Michel-Ange

de l’automne. Ce ne fut qu’à regret qu’il revint à Rome, où il était rappelé, à la fin d’octobre. — « J’ai laissé là-bas plus de la moitié de moi-même, écrivait-il à Vasari ; car véritablement la paix ne se trouve que dans les bois. »

Pace non si trova senon ne boschi.[1]

Et, de retour à Rome, le vieillard de quatre-vingt-deux ans composa une belle poésie à la gloire des champs et de la vie champêtre, qu’il opposait aux mensonges des villes : ce fut sa dernière œuvre poétique, et elle a toute la fraîcheur de la jeunesse.[2]

Mais dans la Nature, comme dans l’art, comme dans l’amour, c’était Dieu qu’il cherchait, et dont il s’approchait, chaque jour, davantage. Il avait toujours été croyant. S’il n’était dupe ni des prêtres, ni des moines, ni des dévots et des dévotes, et si, à l’occasion, il les raillait rudement,[3] il n’y eut jamais, semble-t-il, le

  1. Lettres, 28 décembre 1556.
  2. Je veux parler de la très longue poésie, inachevée, de cent quinze vers, qui débute ainsi :

    Nuovo piacere e di magiore stima
    Veder l’ardite capre sopr’ un sasso
    Montar, pasciendo or questa or quella cima…

    (Poésies, CLXIII, pages 249–253 de Frey)

    « C’est un nouveau plaisir et toujours plus goûté, de voir les chèvres hardies monter sur un rocher, paissant tantôt sur l’une, tantôt sur l’autre pointe… »

    Je suis ici l’interprétation de Frey, qui date la poésie d’octobre à décembre 1556. Thode est d’un autre avis, et l’attribue à la jeunesse de Michel-Ange ; mais il n’en donne pas, à mon sens, de raison suffisante.

  3. En 1548, dissuadant son neveu, Lionardo, de faire un pèlerinage à Lorette, il lui conseille de dépenser plutôt l’argent en aumônes. « Car si on apporte de l’argent aux prêtres, Dieu sait ce qu’ils en font ! » (7 avril 1548)

    Sébastien del Piombo ayant à peindre un moine à San Pietro in Montorio, Michel-Ange pense que ce moine gâtera tout : — « Les

168