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MICHEL-ANGE

à sa place.[1] Il ne savait ni remplir ses engagements, ni les oublier.[2]

Il était faible par prudence et par crainte. Le même homme, que Jules II appelait « le terrible », « terribile », était qualifié par Vasari de « prudent », — trop prudent ; et celui « qui faisait peur à tous, même aux papes »,[3] avait peur de tous. Il était faible avec les princes. Et pourtant, qui méprisait plus que lui ceux qui étaient faibles avec les princes, — « les ânes de bât des princes », ainsi qu’il les nommait ?[4] — Il voulait fuir les papes ; et il restait, et il obéissait.[5] Il tolérait des lettres injurieuses de ses maîtres, et il y répondait humblement.[6] Par moments, il se révoltait, il parlait fièrement ; — mais il cédait toujours. Jusqu’à sa mort, il se débattit, sans force pour lutter. Clément VII, qui, — contre l’opinion courante, — fut, de tous les papes, celui qui eut le plus de bonté pour lui, connaissait sa faiblesse ; et il en avait pitié.[7]

  1. Voir les années qu’il passa dans les carrières de Seravezza, pour la façade de San Lorenzo.
  2. Ainsi, pour le Christ de la Minerve, dont il avait accepté la commande, en 1514, et qu’il se désolait de n’avoir pas commencé, en 1518. « Je meurs de douleur… Je me fais l’effet d’un voleur… » — Ainsi, pour la chapelle Piccolomini, de Sienne, pour laquelle il avait signé, en 1501, un traité stipulant qu’il livrerait son œuvre en trois ans. Soixante ans plus tard, en 1561, il se tourmentait encore de l’engagement non tenu !
  3. « Facte paura a ognuno insino a’papi », lui écrivait Sebastiano del Piombo, le 27 octobre 1520.
  4. Conversation avec Vasari.
  5. Ainsi, en 1534, quand il veut fuir Paul III, et finit par se laisser enchaîner à la tâche.
  6. Telle, la lettre humiliante du cardinal Jules de Médicis, (le futur Clément VII), le 2 février 1518, où il soupçonne Michel-Ange de s’être fait acheter par les Carrarais. Michel-Ange s’incline, accepte, écrit « qu’il ne tient à rien autre au monde qu’à lui plaire ».
  7. Voir ses lettres et celles qu’il lui fait écrire par Sebastiano del Piombo, après la prise de Florence. Il s’inquiète de sa santé, de
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