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la vie de Michel-Ange

le secret de ce cœur craintif et tendre sous sa rude enveloppe :

Amando, a che son nato ?[1]
J’aime : pourquoi suis-je né ?

La Sixtine terminée, et Jules II étant mort,[2] Michel-Ange retourna à Florence et revint au projet qui lui tenait à cœur : le tombeau de Jules II. Il s’engagea par contrat à le faire en sept ans.[3] Pendant trois ans, il se consacra presque exclusivement à ce travail.[4] Dans cette période relativement tranquille, — période de maturité mélancolique et sereine, où le bouillonnement furieux de la Sixtine s’apaise, comme une mer démontée qui rentre dans son lit, — Michel-Ange produisit ses œuvres les plus parfaites, celles qui réalisent le mieux l’équilibre de ses passions et de sa volonté : Moïse,[5] et les Esclaves du Louvre.[6]

  1. Poésies, CIX, 35.

    Comparez ces vers d’amour, où amour et douleur semblent être synonymes, à l’extase voluptueuse des sonnets juvéniles et gauches de Raphaël, écrits sur le revers des dessins pour la Dispute du Saint-Sacrement.

  2. Jules II mourut, le 21 février 1513, trois mois et demi après l’inauguration des fresques de la Sixtine.
  3. Contrat du 6 mars 1513. — Le nouveau projet, plus considérable que le projet primitif, comprenait 32 grandes statues.
  4. Michel-Ange semble n’avoir accepté, pendant ce temps, qu’une seule commande : le Christ de la Minerve.
  5. Le Moïse devait être une des six figures colossales, couronnant l’étage supérieur du monument de Jules II. Michel-Ange ne cessa d’y travailler jusqu’en 1545.
  6. Les Esclaves, auxquels Michel-Ange travaillait en 1513, furent donnés par lui, en 1546, à Roberto Strozzi, le républicain florentin, alors exilé en France, qui en fit présent à François Ier.
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