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LA FORCE QUI SE BRISE

la faisant compter du jour où elle m’a été accordée… Dites-moi à quel moment vous aimez mieux que je la prenne.[1]

On voulut lui donner une leçon : on fît la sourde oreille. Deux mois plus tard, il n’avait encore rien reçu. Il fut forcé de réclamer la pension plus d’une fois, dans la suite.

Il travaillait, tout en se tourmentant ; il se plaignait que ces soucis fussent des entraves à son imagination :

… Les ennuis peuvent beaucoup sur moi… On ne peut pas travailler des mains à une chose, et de la tête à une autre, surtout en sculpture. On dit que tout cela sert à m’aiguillonner ; mais je dis que ce sont de mauvais aiguillons, qui disposent à retourner en arrière. Il y a déjà plus d’un an que je n’ai reçu de pension, et je lutte avec la misère : je suis très seul, au milieu de mes peines ; et j’en ai tant, qu’elles m’occupent plus que l’art : je n’ai pas les moyens d’avoir quelqu’un qui me serve.[2]

Clément VII se montrait parfois touché de ses souffrances. Il lui faisait exprimer affectueusement sa sympathie. Il l’assurait de sa faveur, « aussi longtemps qu’il vivrait ».[3] Mais l’incurable frivolité des Médicis prenait le dessus ; et, au lieu de le décharger d’une partie de ses travaux, il lui faisait de nouvelles commandes : entre autres, celle d’un absurde Colosse, dont la tête eût été un clocher, et le bras une che-

  1. Lettre de Michel-Ange à Giovanni Spina. (29 août 1525)
  2. Lettre de Michel-Ange à Faltucci. (24 octobre 1525)
  3. Lettre de Pier Paolo Marzi, de la part de Clément VII, à Michel-Ange. (23 décembre 1525)
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