Page:Rollinat - Le Livre de la nature, 1893.djvu/8

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cieux, ou plat. Le nôtre est faux et forcé. Je cherche partout des vers à faire apprendre à mes petites-filles. Il n’y en a pas. Je suis forcée de leur en faire et ils sont très mauvais. Toutefois ils leur sont utiles parce que les enfants sont frappés de ce qu’on leur apprend en rythme et en rime, beaucoup plus que de ce qu’on leur dit en prose.

Un recueil de vers pour les enfants de six à douze ans, en ayant soin d’entremêler sans confondre les degrés. — Je m’explique. Tous les enfants de six ans ne liraient pas les pièces destinées aux enfants de douze ans, et vice versa ; mais le poète ne mêlerait pas dans la même pièce ce qui convient aux plus jeunes et ce qui convient au plus grands. De cette façon chaque degré de l’intelligence trouverait son compte, et le livre serait une nourriture pour les années du développement.

Je dis qu’un tel livre aurait un succès populaire s’il était réussi. C’est très difficile, plus difficile que tout ce qu’on peut se proposer en littérature. Je l’ai demandé à tous ceux qui font des vers, tous ont reculé, ne sentant pas vibrer en eux cette corde du grand et du simple à la portée de l’enfance. Et pourtant l’enfant aime le grand et le beau, pourvu qu’on les lui donne sous la forme nette et sans ficelle aucune. Il s’intéresse à tout, et ne demande qu’à voir sous la forme poétique les objets de son incessant amusement.

Le poète n’a qu’à montrer. Il est l’Orphée qui remue les pierres ; il lui suffit de chanter, et tout chante dans l’âme de l’enfant. Tu n’es pas si loin de l’enfance. Sou-