Page:Romains - Les Copains.djvu/131

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nous comme la pierre d’un autel. Je veux dire que, quand tu es là, j’ai des garanties de première importance. Je bafouille, mais j’ai un horrible besoin de m’expliquer. On ne sait pas ce que c’est que l’amitié. On n’a dit que des sottises là-dessus. Quand je suis seul, je n’atteins jamais à la certitude où je suis maintenant. Je crains la mort. Tout mon courage contre le monde n’aboutit qu’à un défi. Mais, en ce moment, je suis tranquille. Nous deux, comme nous sommes là, en bécane, sur cette route, par ce soleil, avec cette âme, voilà qui justifie tout, qui me console de tout. N’y aurait-il eu que cela dans ma vie, que je ne la jugerais ni sans but, ni même périssable. Et n’y aurait-il que cela, à cette heure, dans le monde, que je ne jugerais le monde ni sans bonté, ni sans Dieu.

— Tu ne te souviens pas, dit Bénin, d’autres fois pareilles à celles-ci ? Je repense, soudain, au point culminant d’une ballade énorme que nous fîmes l’autre année. Je nous revois tous les deux, traînant côte à