Page:Romains - Les Copains.djvu/144

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la topographie du Massif Central, avait mené sans mort d’homme cette glissade à tâtons. Broudier et Lesueur à un certain virage étaient bien tombés l’un sur l’autre. Mais les machines s’étayèrent mutuellement de telle sorte qu’ils ne roulèrent pas dans le précipice voisin comme il eût été naturel.

Depuis leur rencontre à la croisée des chemins, ils avaient connu la joie d’être trois.

Pendant la marche, Bénin et Broudier, gardant leurs habitudes, tenaient Broudier la droite, et Bénin la gauche. Lesueur s’était mis simplement à la gauche de Bénin. Ils ramonaient ainsi tout le calibre de la route.

Bénin criait bien de temps à autre :

— C’est dégoûtant ! Vous, vous avez les ornières, vous roulez sur du velours. Et moi je danse sur le dos d’âne !

Mais au fond, il aurait été désolé de céder sa place. Il occupait le milieu du rang ; rien ne passait de Broudier à Lesueur dont il n’eût sa part ; il ne perdait pas une parole, pas un rire. Quelquefois même il répétait