Page:Romains - Les Copains.djvu/195

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n’était pas une affluence. C’était un pêle-mêle de corps désorientés.

Ambert ressemblait à du lait qui tourne. Il y naissait des filaments, des caillots, des traînées qui grouillaient au hasard ; de quoi faire vomir un estomac faible.

Les trois copains barbotaient là-dedans. Ils ne cherchaient plus à se diriger ; ils ne se préoccupaient que de rester ensemble ; ils se faufilaient, l’un tirant l’autre, Bénin en tête, Lesueur en queue ; ils s’appelaient, ils s’attrapaient le bras, ils s’accrochaient par un pan de veste. Ils étaient à eux trois une sorte de bête furtive, rapide, perfide, une couleuvre amie des broussailles et des hautes herbes.

Ils voulaient jouir de l’événement tant qu’ils pouvaient, le suivre dans toutes ses directions, le ressentir dans toutes ses secousses.

Mais voilà qu’ils pénètrent dans une région congestionnée où le tumulte devient une douleur.