Page:Romains - Les Copains.djvu/210

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Bénin reprit du souffle. Les hommes bien nourris du banc d’œuvre souriaient avec complaisance. Les familles de droite s’étonnaient, mais ne perdaient pas un mot de ce sermon de gala. À gauche, les commandants en retraite éprouvaient on ne sait quel chatouillement dans leurs articulations bloquées, on ne sait quelle chaleur dans leurs mains noueuses. Les adolescents, frigorifiés dans les patronages, regagnaient rapidement de la température, et lorgnaient d’un œil trouble les demoiselles accompagnées, d’un œil plus trouble certaines des dames qui accompagnaient les demoiselles. Mais les vieilles filles se tortillaient de malaise ; elles se retournaient, se regardaient, se penchaient l’une vers l’autre, se chuchotaient une réflexion à l’oreille, poussaient un soupir, toussaient, ravalaient une mucosité, ou entamaient un Ave Maria pour chasser quelque vision.

Cependant les yeux de Huchon devenaient inquiétants ; ils luisaient de plus en plus, pas comme des pierres.