Page:Romains - Les Copains.djvu/81

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Le pavé se dérobait sous les pneus. Les arroseurs, qui travaillent avant l’aurore, délayaient le crottin dans de vastes épanchements d’eau. Un dérapage succédait à une secousse. Parfois les roues fendaient une flaque. On croyait entendre une bête qui boit.

Bénin était heureux. Les cahots le réjouissaient. Car il connaissait ainsi l’élasticité des bandages, la résistance du cadre, la souplesse de la selle, la dureté de son propre fondement.

Bénin avait rebondi sur les pavés de grès, patiné sur les pavés de bois, heurté des rails trop saillants, battu des mares de purin, comme une cuisinière bat une crème ; quand il aperçut la balustrade du square des Arts et Métiers.

Le jour se levait. Tout paraissait bleu et fondant. Un balayeur au loin avait l’air d’un bonhomme en sucre.

Bénin ralentit et inspecta la place du regard. Le jardin était vide ; les trottoirs