Page:Romains - Les Copains.djvu/95

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Vers sept heures, le soleil traversa le compartiment. Bénin, chatouillé, se leva, marcha d’une portière à l’autre, en disant :

— La promenade fortifie le poumon et dérouille le muscle.

Mais quand il arrivait à une portière, il n’était encore qu’à deux pas de l’autre, et un bon marcheur pouvait faire le trajet en une seconde.

Bénin s’assit, et chanta le Tantum ergo.

Des visions étonnantes et glorieuses lui apparurent. Il se vit avec Broudier sur les grands chemins, faisant route vers Ambert et Issoire, les villes maudites. Il vit la réunion des copains, la majesté de leur conseil dans la nuit provinciale, et l’enchaînement de leurs travaux. Il se vit lui-même revêtu d’un costume austère, debout au-dessus d’une foule, sous des voûtes gothiques. Un avenir tumultueux emplissait le wagon. Bénin se disait :

— C’est trop beau ! Ça va rater.

Il se fatiguait d’être seul avec tant d’es-