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PIERRE DE RONSARD

penser que le séjour de Cassandre à La Possonnière, château de famille de Ronsard, correspond au voyage de Laure à Vaucluse, et ne pas voir dans le portrait de l’aimée, que dessina l’ami Denisot, le pendant de celui dont Pétrarque remerciait le peintre Simone Martini ? Au reste, elle a rempli à elle seule toute la rêverie du jeune homme ; la douceur de la nature vendômoise, au milieu de laquelle il l’a évoquée, comme les thèmes de poésie antique qui lui fournissaient des comparaisons de beauté, ont ensemble servi à glorifier la jeune déesse ; il la chanta sans cesse parmi d’autres amours, et sa vie tout entière resta enchantée de cette première rencontre. Il la rappelait encore, sous ses cheveux gris, en des vers délicieux :

L’absence, ni l’oubli, ni la course du jour
N’ont effacé le nom, les grâces et l’amour
Qu’au cœur je m’imprimai dès ma jeunesse tendre,
Fait nouveau serviteur de toi, belle Cassandre…
Et si l’âge…
En coulant a perdu un peu de nos jeunesses,
Cassandre, c’est tout un, car je n’ai pas égard
À ce qui est présent, mais au premier regard,
Au trait qui me navra de ta grâce enfantine…

Il est heureux pour la poésie de Ronsard qu’il n’ait reçu de cette jeune femme que plaisant