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II. LIVRE DES ODES

Ny qu’on y verse des odeurs :
Mais tandis que je suis en vie,
J’ay de me parfumer envie,
Et de me couronner de fleurs.
  Corydon, va quérir m’amie,
Avant que la Parque blesmie
M’envoye aux éternelles nuits :
Je veux beuvant la tasse pleine,
Couché près d’elle ester la peine
De mes misérables ennuis.

ODE XXII.

  J’ay l’esprit tout ennuyé
D’avoir trop estudié
Les Phænomenes d’Arate :
Il est temps que je m’esbate.
Et que j’aille aux champs jouër.
Bons Dieux ! qui voudroit louër
Ceux qui collez sus un livre
N’ont jamais soucy de vivre ?
  Que nous sert d’estudier.
Sinon de nous ennuyer !
Et soin dessus soin accroistre
A nous, qui serons peut estre
Ou ce matin, ou ce soir
Victime de l’Orque noir !
De l’Orque qui ne pardonne
Tant il est fier, à personne !
  Corydon, marche davant,
Sçache où le bon vin se vend :
Fais après à ma bouteille
Des fueilles de quelque treille
Un tapon pour la boucher :
Ne m’achète point de chair,
Car tant soit elle friande,
L’Esté je hay la viande.
  Achete des abricôs,
Des pompons, des artichôs.