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VITTORE CARPACCIO.

lorsque, derrière un dais, la vue s’échappait sur un paysage, c’était la vision d’une campagne lointaine, dans l’apaisement du couchant, pleine de quiétude.

À cet art raffiné, intérieur et comme replié sur lui-même, Gentil Bellin opposa une sensibilité tout objective. Il vit le monde comme un spectacle aux multiples épisodes, qu’il essaya de fixer fidèlement.

Son frère concentrait son attention sur une figure et y incorporait d’infinies méditations : il ouvrit son regard sur des panoramas immenses, attentif à leur aspect, mais impassible.

IV


Nous ne savons positivement à quelle bottega Carpaccio apprit l’art de peindre et de quelle tradition il releva. Il est évident qu’il ne dut rien à Jean Bellin. Comme il travailla avec Gentil Bellin pour la confrérie de Saint-Jean l’Évangéliste, et que ses œuvres présentent une analogie indéniable avec celles de ce maître, on en avait conclu qu’il avait été son élève. Mais les ressemblances qui frappent au premier examen paraissent moins complètes après un commerce intime.

Gentil Bellin, puissant ordonnateur d’amples machines, revêt ses œuvres d’une solennité un peu froide et presque officielle. Sa science de perspective, qui en impose d’abord, manque de souplesse et peut-être d’étendue. Les foules et les fabriques s’agencent avec une symétrie contrainte. Il a