Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le jeune guerrier hésitait, mais le chef reprit d’un ton bref :

— Va !

Gaw se mit à fuir, d’un pas qui, d’abord lourd et hésitant, s’affermissait à mesure. Naoh reculait, lent et formidable, tenant à chaque main une sagaie, et les Kzamms hésitaient. Enfin, leur chef ordonna l’attaque. Les dards sifflèrent, les hommes bondirent. Naoh arrêta encore deux guerriers dans leur course et prit du champ.

Et la poursuite recommença sur la terre innombrable. Gaw parfois retrouvait ses jarrets, parfois s’alanguissait, les muscles mous, le souffle rude.

Naoh l’entraînait par la main. L’avantage n’en restait pas moins aux Kzamms. Ils suivaient d’un trot soutenu, sans même se hâter, confiants dans leur endurance. Or Naoh ne pouvait plus emporter son compagnon. La grande fatigue et la fièvre rendaient sa blessure pesante ; son crâne s’emplissait de rumeur ; et, par surcroît, il avait heurté son pied contre une roche.

— Il faut que Gaw meure ! ne cessait de répéter le jeune guerrier. Naoh dira qu’il a bien combattu.

Sombre, le chef ne répondait point. Il écoutait le trot des ennemis. De nouveau, ils furent à deux cents coudées, puis à cent, tandis que les fugitifs gravissaient une pente. Alors, le fils du Léopard, rassemblant ses énergies profondes, maintint la distance jusqu’au haut du mamelon. Et là, jetant un long regard sur l’occident, la poitrine palpitante à la fois de lassitude et d’espérance, il cria :

— Le Grand Fleuve… les mammouths !

L’eau vaste était là, miroitante parmi les peupliers, les aulnes, les frênes et les vernes ; le troupeau était là aussi, à quatre mille coudées, paissant les racines et les jeunes arbres. Naoh se rua, entraînant Gaw dans un élan qui leur fit gagner plus de cent coudées. C’était le dernier