Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/128

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terre palpita comme une poitrine ; tous les Kzamms qui se trouvaient sur le passage, depuis le Grand Fleuve jusqu’aux tertres et jusqu’au bois de frênes, furent réduits en boue sanglante. Alors seulement la fureur des mammouths s’apaisa. Le chef, arrêté au pied d’un mamelon, donna le signal de la paix : tous s’arrêtèrent, les yeux encore étincelants, les flancs secoués de frissons.

Les Kzamms échappés au désastre fuyaient éperdument vers le midi. Il n’y avait plus à craindre leurs embûches : ils renonçaient pour toujours à traquer les Oulhamr et à les dévorer ; ils portaient à leur horde l’étonnante nouvelle de l’alliance des hommes du nord et des mammouths, dont la légende allait se perpétuer à travers les générations innombrables.

Pendant dix jours, les mammouths descendirent vers les terres basses, en longeant la rive du fleuve. Leur vie était belle. Parfaitement adaptés à leurs pâturages, la force emplissait leurs flancs lourds ; une nourriture abondante s’offrait à tous les détours du fleuve, dans les limons palustres, sur l’humus des plaines, parmi les vieilles futaies vénérables.

Aucune bête ne troublait leur voie. Souverains de l’étendue, maîtres de leurs exodes et de leurs repos, les ancêtres avaient assuré leur victoire, parfait leur instinct, assoupli leurs coutumes sociales, réglé leur marche, leur tactique, leur campement et leur hiérarchie, pourvu à la défense des faibles et à l’entente des puissants. La structure de leur cerveau était délicate, leurs sens pleins de subtilité : ils avaient une vision précise, et non la prunelle vague des chevaux ou des urus, l’odorat fin, le tact sûr, l’ouïe vive.

Énormes mais flexibles, pesants mais agiles, ils explo-