Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/137

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plaines et des dunes nues. Ils avaient faim ; les bêtes fines et véloces échappaient à leurs pièges ; ils avaient soif, car la pluie avait décru encore et le sable buvait l’eau ; plus d’une fois, ils redoutèrent la mort du Feu. Le sixième jour, l’herbe poussa moins rare et moins coriace ; les pins firent place aux sycomores, aux platanes et aux peupliers. Les mares se multiplièrent, puis la terre noircit, le ciel s’abaissa, plein de nuages opaques qui s’ouvraient interminablement. Les Oulhamr passèrent la nuit sous un tremble, après avoir allumé un monceau de bois spongieux et de feuilles, qui gémissait sous l’averse et poussait une haleine suffocante.

Naoh veilla d’abord, puis ce fut au tour de Nam. Le jeune Oulhamr marchait auprès du foyer, attentif à le ranimer à l’aide d’une branche pointue et à sécher des rameaux avant de les lui donner en nourriture. Une lueur pesante traînait à travers les vapeurs et la fumée ; elle s’allongeait sur la glaise, glissait parmi les arbustes et rougissait péniblement les frondaisons. Autour d’elle rampaient les ténèbres. Elles emplissaient tout ; dans le ruissellement des eaux, elles étaient comme un fluide bitumineux et formidable. Nam se penchait pour sécher ses mains et ses bras, puis il tendait l’oreille. Le péril était au fond du gouffre noir : il pouvait déchirer avec la griffe ou la mâchoire, écraser sous les pieds du troupeau, faire couler la mort froide par le serpent, rompre les os avec la hache ou percer la poitrine avec le harpon.

Le guerrier eut un grelottement brusque : ses sens et son instinct se tendirent ; il connut que de la vie rôdait autour du Feu, et il poussa doucement le chef.

Naoh se dressa d’un bloc ; à son tour, il explora la nuit. Il sut que Nam ne s’était point trompé ; des êtres passaient, dont les plantes humides et la fumée dénaturaient l’effluve ; et pourtant, le fils du Léopard conjectura la