Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/18

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Il parlait la main haute, avec lenteur, rudesse et mépris. Puis il fit un signe à Gammla.

Elle s’avançait, tremblante, levant ses yeux variables, pleins du feu humide des fleuves. Elle savait que Naoh la guettait parmi les herbes et dans les ténèbres : lorsqu’il paraissait au détour des herbes, comme s’il allait fondre sur elle, elle le redoutait ; parfois aussi son image ne lui était pas désagréable ; elle souhaitait tout ensemble qu’il pérît sous les coups des Dévoreurs d’Hommes et qu’il ramenât le Feu.

La main rude de Faouhm s’abattit sur l’épaule de la fille ; il cria, dans son orgueil sauvage :

— Laquelle est mieux construite parmi les filles des hommes ? Elle peut porter une biche sur son épaule, marcher sans défaillir du soleil du matin au soleil du soir, supporter la faim et la soif, apprêter la peau des bêtes, traverser un lac à la nage ; elle donnera des enfants indestructibles. Si Naoh ramène le Feu, il viendra la saisir sans donner des haches, des cornes, des coquilles ni des fourrures !…

Alors Aghoo, fils de l’Aurochs, le plus velu des Oulhamr, s’avança, plein de convoitise :

— Aghoo veut conquérir le Feu. Il ira avec ses frères guetter les ennemis par delà le fleuve. Et il mourra par la hache, la lance, la dent du Tigre, la griffe du Lion Géant, ou il rendra aux Oulhamr le Feu sans lequel ils sont faibles comme des cerfs ou des saïgas.

On n’apercevait de sa face qu’une bouche bordée de chair crue et des yeux homicides. Sa stature trapue exagérait la longueur de ses bras et l’énormité de ses épaules ; tout son être exprimait une puissance rugueuse, inlassable et sans pitié. On ignorait jusqu’où allait sa force : il ne l’avait exercée ni contre Faouhm, ni contre Moûh, ni contre Naoh. On savait qu’elle était énorme. Il ne l’es-