Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/183

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gnons. Puis le pas lourd des brutes commença de se faire entendre, des souffles puissants haletèrent : les ours gagnaient sur les hommes. Ils avaient l’avantage de l’équilibre, des quatre membres accrochés au sol obscur, de la narine frôlant la piste… À chaque instant, un des nomades butait contre une pierre, trébuchait dans un creux, heurtait une saillie de la muraille, car il fallait porter les armes, les provisions, et ces cages à feu que Naoh ne pouvait abandonner. Comme les flammes rampaient toutes menues au fond des cavités, elles n’éclairaient point la route : leur faible lueur rougeâtre se perdait vers le haut et indiquait à peine les inflexions de la muraille. En revanche, elle signalait confusément les silhouettes fugitives…

— Vite ! Vite ! cria le chef.

Nam et Gaw ne pouvaient prendre une course franche. Et les bêtes géantes approchaient. À chaque pas, on percevait mieux leur souffle. Comme leur fureur s’accroissait à mesure qu’elles sentaient l’ennemi plus proche, tantôt l’une, tantôt l’autre poussait un grondement. Leurs vastes voix se répercutaient sur les pierres. Naoh en concevait mieux l’énormité des structures, la formidable étreinte, le broiement irrésistible des mâchoires…

Bientôt les ours ne furent plus qu’à quelques pas. Le sol vibrait sous Naoh, un poids immense allait s’abattre sur ses vertèbres…

Il fit face à la mort ; inclinant brusquement la cage, il dirigea la maigre lueur sur une masse oscillante. L’ours s’arrêta net. Toute surprise éveillait sa prudence. Il considéra la petite flamme, il vibra sur ses pattes, avec un appel sourd à sa femelle. Puis, sa fureur l’emportant, il se jeta sur l’homme… Naoh avait reculé et, de toutes ses forces, il lança la cage. L’ours, atteint à la narine, une paupière brûlée, poussa un rugissement douloureux,