Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/20

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de la tribu, à qui tous les guerriers obéiront en l’absence du chef.

Aghoo écoutait d’un air brutal : tournant sa face touffue vers Gammla, il la considérait avec convoitise ; ses yeux ronds se durcirent de menace.

— La fille du Marécage appartiendra au fils de l’Aurochs ; tout autre homme qui mettra la main sur elle sera détruit.

Ces paroles irritèrent Naoh. Il accepta violemment la guerre, il clama :

— Elle appartiendra à celui qui ramènera le Feu !

— Aghoo le ramènera !

Ils se regardaient. Jusqu’à ce jour, il n’avait existé entre eux aucun sujet de lutte. Conscients de leur force mutuelle, sans goûts communs ni rivalité immédiate, ils ne se rencontraient point, ils ne chassaient pas ensemble. Le discours de Faouhm avait créé la haine.

Aghoo qui, la veille, ne regardait guère Gammla, lorsqu’elle passait furtive sur la savane, tressaillit dans sa chair, tandis que Faouhm vantait la fille. Construit pour les impulsions subites, il la voulut aussi âprement que s’il l’avait voulue depuis des saisons. Dès lors, il condamnait tout rival ; il n’eut pas même de résolution à prendre ; sa résolution était dans chacune de ses fibres.

Naoh le savait. Il assura sa hache dans la main gauche et son épieu dans la droite. Au défi d’Aghoo, ses frères surgirent en silence, sournois et formidables. Ils lui ressemblaient étrangement, plus fauves encore, avec des îlots de poil rouge, des yeux moirés comme les élytres des carabes. Leur souplesse était aussi inquiétante que leur force.

Tous trois, prêts au meurtre, guettaient Naoh. Mais une rumeur s’éleva parmi les guerriers. Même ceux qui blâmaient en Naoh la faiblesse de ses haines ne voulaient