Page:Rosny - La force mystérieuse, 1914.djvu/202

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pour Sabine ne se dévoilait clairement qu’à la jeune femme ; quoique Langre ne l’ignorât point et l’approuvât, il n’en recevait aucune révélation très précise ni très continue. Mais Sabine le percevait avec une acuité troublante ; souvent, lorsqu’elle rêvait dans le jardin ou méditait dans sa chambre, une rougeur montait à ses tempes. C’était aux instants où la tendresse de Georges avait ces sursauts qui sont les orages de l’âme.

Sabine se défendait. De tant de douleurs et d’humiliations, elle gardait une terrible méfiance. L’amour avait peine à lui apparaître sous ses formes charmantes. Elle y voyait une puissance grossière, une servitude tragique, la cruauté intime de la nature. Sans reporter sur Meyral le souvenir odieux qu’elle gardait de son mariage, elle séparait l’amour du bien et du mal individuels, elle y discernait, tout autrement que Phèdre, une force dévorante et vénéneuse.

La candeur même de ses sentiments, jointe à une richesse de pensée qu’elle tenait de