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LE HANNETON


La folle ouvrit ses belles lèvres roses et éclata de rire.

— Je l’ai ! dit-elle.

— Quoi ? dit le gardien.

Le gardien était fait de gros matériaux. Il avait une peau spongieuse, des pores sales, un nez granulé à narines étroites. Son œil brillait comme de la porcelaine et en avait l’opacité. Il était curieux d’en comparer le bleu de turquoise avec la clarté saphirine des yeux de la folle. Elle était tissue tout entière de délicates fibres. L’épiderme fin recevait continuellement les chocs des nerfs. Blanche et pâle, la folle cachait dans une forme divine le trouble de son esprit.

— Mon hanneton ! répondit-elle.

Le gardien cligna de l’œil. Le hanneton de la folle ne le fâchait pas. Ce n’était pas un méchant homme. Il douchait à la rigueur, gagnait quelques liards sur le pain des fous, aimait assez à cingler les furieux ou les obstinés, mais on pouvait vivre