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UN SOIR


J’étais venu passer trois jours dans ma bicoque de Grannes, raconta Tarade, et le soir de mon arrivée, je me dis que j’avais fait une sottise. Depuis près d’un an, le pays n’était pas sûr : on avait dévalisé bon nombre de maisons isolées et, par surcroît, mis à mort une demi-douzaine de personnes. Cela me donnait à réfléchir. La bicoque était solitaire et ne brillait pas par la solidité : les serrures se rouillaient, la vermoulure rongeait les portes. Il aurait fallu la faire réparer vigoureusement, mais j’y venais si peu ! Puis, trois jours sont vite passés. C’est, du moins, ce que je me disais au départ, mais à présent, dans le soir sinistre, avec les ruades de la rafale, une seule nuit me semblait démesurément longue. Je regrettais de n’avoir pas retenu la mère Grondeux, qui faisait provisoirement mon ménage, avec le père Grondeux, homme déjà vieux, mais encore d’attaque. J’y avais bien songé, mais on a son amour-propre : je ne voulais pas qu’on me prît pour un poltron…