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LA MARCHANDE DE FLEURS


Mes dettes payées, fit Lantoyne, il me restait quarante-deux francs et six sous, un complet veston, un pardessus, mes bottines et mon chapeau, sans oublier le linge que j’avais sur le corps. Il me restait aussi une bague de famille ; elle valait peut-être sept cents francs pour un amateur, mais tout au plus vingt louis pour un bijoutier…

J’errais autour des Halles, plein d’affliction et de crainte. Car j’avais la certitude de ma nullité marchande. Mon père, homme excellent et plein d’une délicieuse insouciance, ne s’était mêlé de mon éducation que pour m’inspirer des goûts de luxe et m’avait fait si mal instruire que nul diplôme, pas même l’indigent diplôme des bacheliers, ne se mêlait à mes paperasses. De plus, aucune idée pratique ne garnissait ma cervelle. À part un peu d’escrime, de tir, de canne et de danse, je ne savais rien faire de mes membres. Et j’avais une sainte horreur de la servitude.

« Fichu ! songeais-je, tandis que les chariots