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LA MORT DE LA TERRE

ne s’inquiétait guère de la fuite des eaux, tellement elle avait perfectionné les artifices de la culture et de la nutrition. Même, elle se flattait de vivre prochainement de produits organiques élaborés par les chimistes. Plusieurs fois, ce vieux rêve parut réalisé : chaque fois, d’étranges maladies ou des dégénérescences rapides décimèrent les groupes soumis aux expériences. Il fallut s’en tenir aux aliments qui nourrissaient l’homme depuis les premiers ancêtres. À la vérité, ces aliments subissaient de subtiles métamorphoses, tant du fait de l’élevage et de l’agriculture que du fait des manipulations savantes. Des rations réduites suffisaient à l’entretien d’un homme ; et les organes digestifs avaient accusé, en moins de cent siècles, une diminution notable, tandis que l’appareil respiratoire s’accroissait en raison directe de la raréfaction de l’atmosphère.

Les dernières bêtes sauvages disparurent ; les animaux comestibles, par comparaison à leurs ascendants, étaient de véritables zoophytes, des masses ovoïdes et hideuses, aux membres transformés en moignons, aux mâchoires atrophiées par le gavage. Seules, quelques espèces d’oiseaux échappèrent à la dégradation et prirent un merveilleux développement intellectuel.

Leur douceur, leur beauté et leur charme croissaient d’âge en âge. Ils rendaient des services imprévus, à cause de leur instinct, plus délicat que celui de leurs maîtres, et ces services étaient