Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/71

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Cette fois, une faible émotion, née de la seule image qui pût agiter les Derniers Hommes, l’image d’une eau jaillissante, passa de proche en proche. Et le ton de Targ, par sa véhémence et sa sincérité, fit presque naître un espoir. Mais le doute revint vite. Ces yeux trop vivants, les blessures, le vêtement déchiré, encourageaient les méfiances : quoique rares, les fous n’avaient pas encore disparu de la planète.

Cimor fit un signe léger. Quelques hommes cernèrent lentement le veilleur. Il vit ce mouvement et en comprit la signification. Sans trouble, il ouvrit sa boîte à outils, saisit son mince appareil chromographique et, déroulant une feuille, il fit apparaître les épreuves qu’il avait prises dans les entrailles du sol.

C’était des images aussi précises que la réalité même. Dès qu’elles eurent frappé les yeux des plus proches, les exclamations se heurtèrent. Un saisissement véritable, presque une exaltation, s’empara des assistants. Car tous reconnaissaient le fluide redoutable et sacré.

Manô, plus impressionnable que les autres, clama d’une voix retentissante. Le cri, répercuté par les ondifères, se répandit au-dehors ; une multitude rapide cerna le hall ; l’unique délire qui pouvait encore soulever les Derniers Hommes enivra la masse.

Targ se transfigura ; il fut presque dieu ; les âmes, pareilles aux âmes anciennes, élevaient vers