Page:Rostand - Cyrano de Bergerac.djvu/132

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Cyrano.

Mais…Il y a cent ans, ou bien une minute,
— J’ignore tout à fait ce que dura ma chute ! —
J’étais dans cette boule à couleur de safran !

De guiche, haussant les épaules.

Oui. Laissez-moi passer !

Cyrano, s’interposant.

Oui. Laissez-moi passer !Où suis-je ? Soyez franc !
Ne me déguisez rien ! En quel lieu, dans quel site,
Viens-je de choir, Monsieur, comme un aérolithe ?

De guiche.

Morbleu !…

Cyrano.

Morbleu !…Tout en cheyant je n’ai pu faire choix
De mon point d’arrivée, — et j’ignore où je chois !
Est-ce dans une lune ou bien dans une terre,
Que vient de m’entraîner le poids de mon postère ?

De guiche.

Mais je vous dis, Monsieur…

Cyrano, avec un cri de terreur qui fait reculer De Guiche.

Mais je vous dis, Monsieur…Ha ! grand Dieu !… je crois voir
Qu’on a dans ce pays le visage tout noir !

De guiche, portant la main à son visage.

Comment ?

Cyrano, avec une peur emphatique.

Comment ?Suis-je en Alger ? Êtes-vous indigène ?…

De guiche, qui a senti son masque.

Ce masque !…

Cyrano, feignant de se rassurer un peu.

Ce masque !…Je suis donc à Venise, ou dans Gêne ?

De guiche, voulant passer.

Une dame m’attend !…

Cyrano, complètement rassuré.

Une dame m’attend !…Je suis donc à Paris.