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Page:Rostand - Cyrano de Bergerac.djvu/176

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Roxane.

Cela se sent, Roxane ?…Oh ! si cela se sent !

Christian.

Et vous venez ?

Roxane.

Et vous venez ?Je viens (ô mon Christian, mon maître !
Vous me relèveriez si je voulais me mettre
À vos genoux, c’est donc mon âme que j’y mets,
Et vous ne pourrez plus la relever jamais !)
Je viens te demander pardon (et c’est bien l’heure
De demander pardon, puisqu’il se peut qu’on meure !)
De t’avoir fait d’abord, dans ma frivolité,
L’insulte de t’aimer pour ta seule beauté !

Christian, avec épouvante.

Ah ! Roxane !

Roxane.

Ah ! Roxane !Et plus tard, mon ami, moins frivole,
— Oiseau qui saute avant tout à fait qu’il s’envole, —
Ta beauté m’arrêtant, ton âme m’entraînant,
Je t’aimais pour les deux ensemble !…

Christian.

Je t’aimais pour les deux ensemble !…Et maintenant ?

Roxane.

Eh bien ! toi-même enfin l’emporte sur toi-même,
Et ce n’est plus que pour ton âme que je t’aime !

Christian, reculant.

Ah ! Roxane !

Roxane.

Ah ! Roxane !Sois donc heureux. Car n’être aimé
Que pour ce dont on est un instant costumé,
Doit mettre un cœur avide et noble à la torture ;
Mais ta chère pensée efface ta figure,
Et la beauté par quoi tout d’abord tu me plus,
Maintenant j’y vois mieux… et je ne la vois plus !