Page:Rostand - Cyrano de Bergerac.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Que chaque jour je t’apprendrai ?…

Christian.

Que chaque jour je t’apprendrai ?…Tu me proposes ?…

Cyrano.

Roxane n’aura pas de désillusion !
Dis, veux-tu qu’à nous deux nous la séduisions ?
Veux-tu sentir passer, de mon pourpoint de buffle
Dans ton pourpoint brodé, l’âme que je t’insuffle !…

Christian.

Mais, Cyrano !…

Cyrano.

Mais, Cyrano !…Christian, veux-tu ?

Christian.

Mais, Cyrano !…Christian, veux-tu ?Tu me fais peur !

Cyrano.

Puisque tu crains, tout seul, de refroidir son cœur,
Veux-tu que nous fassions — et bientôt tu l’embrases ! —
Collaborer un peu tes lèvres et mes phrases ?…

Christian.

Tes yeux brillent !…

Cyrano.

Tes yeux brillent !…Veux-tu ?…

Christian.

Tes yeux brillent !…Veux-tu ?…Quoi ! cela te ferait
Tant de plaisir ?…

Cyrano, avec enivrement.

Tant de plaisir ?…Cela…

(Se reprenant, et en artiste.)

Tant de plaisir ?…Cela…Cela m’amuserait !
C’est une expérience à tenter un poète.
Veux-tu me compléter et que je te complète ?
Tu marcheras, j’irai dans l’ombre à ton côté :
Je serai ton esprit, tu seras ma beauté.

Christian.

Mais la lettre qu’il faut, au plus tôt, lui remettre !
Je ne pourrai jamais…

Cyrano, sortant de son pourpoint la lettre qu’il a écrite.

Je ne pourrai jamais…Tiens, la voilà, ta lettre !