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LE BARRAGE. 3i3

Mais,, tout en avançant, débat de conscience ;
Oui, voilà que soudain je songe : Est-ce qu’il sied
De faire, par orgueil, tuer un officier ?
Or, je vais en laisser plusieurs dans ce barrage.
Mors, je m’arrêtai, monsieur, j’eus ce courage,
Je sentis vingt regards me fusiller le dos,
Mais je fis halte, et pris ma jumelle. — Rideaux
De vapeurs, au lointain, jaillissements de sable ;
Et, par delà ce cataclysme infranchissable,
Qu’aperçois-je.’* Un coureur. Il venait, rouge et bleu
(Car la culotte alors était rOuge). Le feu
Redoublait. Le soldat ralentit son allure.
Pour porter quatre mots sur un papier pelure,
Il fallait traverser un enfer. Et n’ayant
Pas l’habitude encor de ce tir effrayant,
hésitait. Tout jeune. Une figure ronde
Va rose. On souhaita pendant une seconde
Qu’il eût peur. Les plus durs craignirent de voir ra )
Cet enfant essayer de passer. — II- passa.
Je ne sais pas comment. On le vit disparaître
l^t reparaître. On vit reparaître un pauvre être
Chancelant, ayant pu parce qu’il avait dû.
Mais qui, son devoir fait, fou d’horreur, éperdu,
Hagard, l’àme épuisée et les yeux hors la têle,