Page:Rostand - Les Musardises, 1911.djvu/28

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Que de fois, accoudé sur ma table en bois blanc,
J’ai, de ta poudre d’or, construit des existences,
Et que de fois rimé, pour qui tu sais, des stances,
Penchant mon front pâli dans ton cercle tremblant !

Et quand le petit jour rosé venait à naître,
Quand, le ciel d’un bleu vert déjà se nuançant.
L’aurore grelottait sur Paris, le passant
Te voyait clignoter encore à ma fenêtre.

L’âge te faisait bien radoter quelquefois.
Ton mécanisme était d’une étrange faiblesse.
Il fallait le monter, te remonter sans cesse.
Et retourner ta clef sans cesse entre ses doigts.

Mais vous baissiez, méchante ! et sans que je comprisse
Pourquoi. Vous paraissiez vouloir vous amuser.
La mèche s’obstinait à se carboniser.
Et j’enrageais, croyant que c’était un caprice.

Bien souvent j’ai maudit votre détraquement,
Et votre humeur, alors, me semblait une énigme.
Vous faisiez tout d’un coup un bruit de borborygme,
Puis vous vous éteigniez sans raison, brusquement.