Page:Rostand - Les Musardises, 1911.djvu/292

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On ne sait quel plateau de balance fantasque,
Luisant, plat comme un plat, martelé comme un casque,
Fourbi comme un vase sacré!

Et quand tout eut roulé devant lui, de l’air digne
Qu’on prend quand on observe à regret la consigne,
Le douanier recula d’un pas.
Puis — que pouvaient avoir de terrible ces armes
Qu’un vieillard ramassait en les couvrant de larmes? —
Puis il dit : « Ça ne passe pas! »

Chacun aida le vieux. Une fille d’auberge
Ramassa la rondache, un enfant la flamberge ;
Et, lorsque tout fut ramassé,
Le vieux, s’étant laissé sur les bras tout remettre,
Car l’âne en bondissant avait fui loin du maître,
S’éloigna, pesant et cassé.

Et le douanier s’en fut boire avec une fille
L’anisette espagnole où trempe une brindille
Qu’entoure du sucre candi.
Moi, je suivis le vieux. — Il allait, le dos triste.
Bientôt, il se crut seul sous le ciel d’améthyste.
— Et je vis qu’il avait grandi.