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                       LES MUSARDISES.

Il me fallait ses chants d’oiseaux et ses murmures ; Et, la nuit, je rêvais d'elle, de ses ramures. Des bouquets nuptiaux que font ses aubépines, De ses fourrés touffus et peuplés de lapins Dont on voit brusquement fuir les petits derrières, Des morceaux de ciel bleu plafonnant ses clairières... Je l’aimais. Cet amour m’avait pris tout entier Le jour que j'avais fait un pas dans le sentier Qui la traverse toute en partant de l’orée. Je l’avais aussitôt follement adorée. On y voyait fleurir de grandes, grandes fleurs ! On y sentait un tas de si bonnes odeurs ! Et, le soir, quand chantaient les brises étouffées. Des endroits noirs semblaient habités par les fées ! On avait peur. Enfin ma tête s’égarait... Et j’étais amoureux de la grande forêt ! Mais amoureux vraiment, amoureux de ses sources, De ses ruisseaux croisant dans l'ombre mille courses, De ses mousses, de ses insectes voltigeant. De ses feuillages verts, bleu foncé, gris d’argent. Des enchevètrements épineux de ses haies, De ses nunons, de ses framboises, de ses baies, De sa mystérieuse et solennelle paix ; Puis aussi de ses coins dans les taillis épais,