Page:Rostand - Un soir à Hernani, 1902.djvu/22

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Oh ! quand, pour te grandir encore, on t’exila,
Maître, tu n’aurais eu qu’à venir vivre là !
C’eût été somptueux, formidable, — et logique.
La ville était marquée à ton chiffre magique.
Certes, j’aime cette île où ta grande ombre erra.
Mais j’aperçois le roc de Santa Barbara
S’ériger âprement, et je regrette presque
En voyant un rocher tellement hugoesque
Que lorsqu’on t’exila tu ne sois pas venu,
Prince de Hernani, vivre sur ce roc nu !
Je te vois, habitant, là-haut, parmi les ailes,
— Ô grand dessinateur de tours et de tourelles ! —
Cet espèce de noir donjon médiéval
Que tu faisais sortir avec un ciel, un val,
Et des machicoulis dont le créneau s’échancre,
De l’élargissement d’une arabesque d’encre !







Mais tu n’es pas absent, malgré que ton manoir
Soit construit seulement par les vapeurs du soir !
Superbe castellan d’une invisible crête,
Tu restes à jamais perché sur ta conquête !
Ce village orgueilleux sera toujours à toi :
Il n’est plus à l’Espagne, il n’est plus à son Roi ;
En allongeant sur lui la griffe d’un poème
Tu l’as pris, ce village, à Don Carlos lui-même !