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Page:Roucher - Les mois, poëme en douze chants, Tome II, 1779.djvu/277

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Jusques dans les hameaux, la faim impérieuse
Emporte quelquefois leur troupe furieuse.
À la mère plaintive ils arrachent l’enfant ;
L’homme, oui, l’homme contr’eux sans succès se défend ;
Son front, où de ses droits la noblesse est empreinte,
À ce peuple assassin n’inspire plus de crainte.
L’intrépide animal se présente au combat,
Lutte, et brise le fer et l’homme qu’il abbat.
La nuit n’a point calmé la faim qui les tourmente :
Du carnage du jour leur gueule encor fumante
Heurle, et cherchant les morts dans le champ des tombeaux,
Se dispute leur chair déchirée en lambeaux.
Vieillards, dont l’oeil a vu ce siècle à son aurore,
Nestors français, sans doute il vous souvient encore
De ce neuvième hyver, de cet hyver affreux,
Qui fit à votre enfance un sort plus désastreux.
Janus avoit r’ouvert les portes de l’année ;
Et tandis que la France, aux autels prosternée,
Solemnisoit le jour, où l’on vit autrefois
Le berceau de son dieu révéré par des rois.