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Page:Roucher - Les mois, poëme en douze chants, Tome II, 1779.djvu/77

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Battez, bruyans tambours, battez de rive en rive.
Il paroît, c’est lui-même ; il avance, il arrive :
Oui, c’est lui. Je le vois sur les monts d’alentour :
Battez, et de Bacchus annoncez le retour.
Éveillez-vous, buveurs, hâtez-vous ; le tems presse,
Hâtez-vous ; du sommeil secouez la paresse.
Aux scènes de plaisir qui renaissent pour vous,
Moi, prêtre de Bacchus, je vous invite tous.
Marchons : mais écartez de nos fêtes mystiques
Ces Lycurgues nouveaux, ces Thraces fanatiques,
D’une sainte liqueur profanes ennemis ;
Écartons-les. Vous seuls, ô mes rians amis !

Vous, dignes d’assister à nos sacrés mystères,
Sortez à flots nombreux de vos toîts solitaires :
Courons, et de l’Ister au Tâge répandus,
Assiégeons les raisins au côteau suspendus.
Redoublons du français la brillante allégresse ;
Faisons pour un moment oublier à la Grèce
Le poids honteux des fers dont gémit sa beauté ;
Que le grave espagnol déride sa fierté ;
À sa longue paresse arrachons l’Auzonie ;
Échauffons, égayons la froide Pannonie ;
Et que de flots de vin tous les suisses trempés
Dansent sur le sommet de leurs rocs escarpés.
Dieux, quel riant tableau ! Mille bandes légères,
Les folâtres pasteurs, les joyeuses bergères,
Les mères, les époux, les vieillards, les enfans,
Remplissent les chemins de leurs cris triomphans.
Déjà s’offre aux regards de cette agile armée
Le rempart épineux dont la vigne est fermée.
Avide des trésors dont elle s’enrichit,
Déjà d’un pié léger chacun d’eux le franchit.

Nul sep n’est épargné. Par-tout je vois la grappe
Tomber sous le tranchant du couteau qui la frappe ;
Je vois deux vendangeurs de pampre couronnés,
Et du jus des raisins goutte à goutte baignés,
Au pié de la colline où la vigne commence,
Descendre sous le faix d’une corbeille immense ;
Je les vois, dans les flancs de vingt tonneaux fumeux,
Faire couler des seps les esprits écumeux ;
Et sur un char, pareil au char qui dans la Grèce
De l’antique Thespis promenoit l’allégresse,
Ranger, en célébrant les louanges du vin,
Ces tonneaux, où s’apprête un breuvage divin.
Plus loin, règnent les jeux d’une aimable folie.
D’un geste, d’un bon mot l’un agace Ismélie,
Puis, ravit en passant un baiser à Phylis :
L’autre écrase en ses doigts les grains qu’il a cueillis :
Et vient furtivement rougir le front d’Aline :
Un rire fou circule autour de la colline,
En éclats s’y prolonge, et se mêle aux travaux
Qui doivent d’un vin pur enrichir nos caveaux.
Cependant le jour fuit ; il se hâte d’atteindre