Page:Roucher - Les mois, poëme en douze chants, Tome II, 1779.djvu/96

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sang les ruisseaux épurés,
Et lorsque j’ai perdu ma dernière verdure,
Il chasse loin de toi la piquante froidure.
L’eau traverse en torrens tes vallons ravagés,
Traîne ensemble et troupeaux et pasteurs submergés,
Sur l’océan d’Atlas, théâtre de naufrages,
Dans toute leur fureur déchaîne les orages ;
Aux vaisseaux, écrasés sous le poids des typhons,
Ouvre près du Cathay des abymes sans fonds ;
Du commerçant paisible engloutit l’industrie,
Et sauve un conquérant, fléau de la patrie :
Mais l’eau t’abreuve aussi. L’eau promène tes mâts
Des bords où tu naquis, aux plus lointains climats,
Roule en fleuves féconds, tombe en douce rosée ;
Et la terre pour toi renaît fertilisée.
Ingrat à ses bienfaits, si tu dis que son sein
Étale de poisons un innombrable essaim ;
Si tu veux ajouter, qu’en ses profonds abymes,
Elle n’enfante l’or que pour nourrir les crimes ;
Qu’elle arme le héros d’un glaive destructeur,
Qu’elle trahit l’espoir du soc cultivateur,
Et que dans ses guérets, où la rouille domine,