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J’aime des temples nus les quarrés uniformes,
Le monotone aspect de leurs masses énormes ;
Des temples protestants, dans leurs frigidité ;
Leur morne rectitude et rigide beauté,
J’aime l’architecture, effaçant du gothique
Le multiple idéal, en son éclat mystique ! —
Le vague clair-obscur, le jour demi-voilé,
La douteuse clarté sous le cintre étoile,
Un coin mystérieux, dans chaque nouveau temple,
N’invite plus celui qui s’isole et contemple !…
Mais voilà qu’au milieu d’un grand peuple vassal.
Sur lequel s’appuyait mon trône colossal ;
Voilà qu’un blême apôtre, en sa folie, enseigne
L’avènement prochain d’un ascétique règne ! —
Si nous le tolérons, s’il vit et prêche ainsi,
C’en est fait, c’est la fin de notre règne ici !
De la ville où chacun s’amuse, mange et trinque.
Il ferait par le jeûne une morne Oxyrinque ;
De la ville, où l’orgie allume ses flambeaux,
Où l’on danse, il ferait la ville des tombeaux !
Il porterait partout la flamme de son zèle :
Il faut, dès l’origine, éteindre l’étincelle ! —
Armez donc contre lui la masse des pécheurs ;
Mais, surtout, aveuglez les bons et les meilleurs ;
Et pour discréditer ses maximes austères,
Suscitez, à grand bruit, quelques faux Solitaires ;
Des rayons de l’Enfer qu’ils soient illuminés,
Et qu’en voyant ceux-là, les saints soient condamnés ! —
Courage ! vous aurez pour brillants satellites
Des singes de Voltaire habillés en lévites ;
En épuisant sur lui leur bouffonne gaîté,
Ils flatteront mon siècle et son activité !
S’il faut, pour rendre encor plus amer le calice,
Que des journaux aussi s’excite la malice,
J’ai les scribes divers tout prêts à s’indigner :
Ce que dicte l’Enfer ils l’oseront signer ! —
S’il faut avec calcul jouer l’indifférence,
D’une impuissante envie affectant le silence,
Tout prêts à me servir, ils en auront le front ;
Quelle qu’en soit la forme, ils forgeront l’affront !
Pour propager l’erreur, j’ai fait des journalistes
Mes orgueilleux hérauts et mes évangélistes ;
Chaque jour, je les vois d’un faux zèle éclater,
Et le meilleur de tous n’est que « propre à gâter ! — »
Pour agiter partout l’Église désunie,
J’ai des scribes dévots le turbulent génie :
Sacré Cerbère au seuil de la maison de Dieu,
Veuillot fait aboyer les échos du saint-lieu ! —
Malgré les fruits nombreux d’une sainte apparence,
Voltaire vit encore en tes enfants, ô France ;