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La Consécration.

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sylvia.

 
Mon âme aspire encor vers les plus hautes cimes ;
Je quitte enfin ce monde, aux rampantes maximes :
Adieu, parents, amis ; ville natale, adieu !
Je vais me reposer dans la maison de Dieu !


une carmélite.


Viens, ma sœur ; la cellule est un ciel sur la terre ;
La vie a plus de charme où règne le mystère !
Le désert est encor ce qu’il était jadis, —
L’image de l’Éden, le seuil du Paradis ! —
Heureuse l’innocence à qui plaît la retraite !
Heureux le repentir, qu’un grand malheur y jette !
Dans ce port consacré, notre cœur abrité
Entend sans être ému les flots de la cité ;
Aux pieds de Jésus-Christ, tranquille, il veille et prie : —
Ah ! la meilleure part, c’est celle de Marie !…
Selon l’attrait divin ou l’instinct naturel,
L’une tend vers la terre et l’autre aspire au ciel :
Semblable au lys de neige, à la tige élancée,
La femme est sœur de l’Ange, à Jésus fiancée ;
Sous le voile de lin, dans un paisible enclos,
Son cœur s’ouvre à l’Époux, comme un grand lys éclos ;
Et dans l’ombre, et le calme, en secret, en silence,
Il s’épure toujours, se dégage et s’élance :
Ainsi, du fond des eaux et de l’obscurité,
Cherchant les doux rayons de son astre aimanté,
Une plante s’élève, et s’entr’ouvre, et s’étale
Au sein de la lumière, où son parfum s’exhale. —
De la femme innocente, immortelle, en Éden,
L’irrésistible attrait, ce ne fut pas l’hymen ;
Pour une œuvre de chair elle n’était pas née ;
Tout en elle révèle une autre destinée ;
Grave ainsi que la Muse, au front sacerdotal,
L’Éden éblouissant fut son cloître natal ;
Le feu sacré brûlait en son âme sereine ;
Du désert primitif c’était la vierge reine :
Mais dans un jour fatal, que fît naître l’orgueil,
Du séjour d’innocence elle franchit le seuil !