M’élevant de chaque être à la source première,
L’Invisible pour moi luira dans la matière ;
Du Divin je verrai des traces en tout lieu ;
Oui, Dieu dans chaque chose, et chaque chose en Dieu !…
Salut, désert sauvage ! — Adieu, prison obscure !
Il n’est plus de bonheur qu’au sein de la Nature !
Si je suis orphelin, sans amour et sans soins,
Sans foyer réchauffant, — je suis libre du moins !
Après celle que Dieu nous ôte en sa colère,
La Nature est encor notre meilleure mère ! —
Sublime désespoir qui te jette en mes bras !
Viens, mon fils ; j’ai des biens que le monde n’a pas ;
Le désert est béni ; l’Esprit de Dieu l’habite ;
L’Ange, loin des cités, est l’hôte de l’ermite ;
Ici, toutes les voix forment un seul concert ;
Le refuge de l’homme, il n’est plus qu’au désert ;
La sainte liberté, c’est l’air qu’on y respire :
Viens partager les biens de mon sauvage empire !
Quitte un monde égoïste, où règne le Démon ;
Où chaque âme est vendue au culte de Mammon :
Le désert grandit l’homme à la hauteur de l’Ange ;
Il y goûte un bonheur exempt de tout mélange ;
C’est le cloître éternel, ouvert à tous les Saints,
Que, dans ses noirs complots, ses coupables desseins,
Le monde épouvanté persécute et rejette ;
C’est l’asile divin qui reçoit le prophète ;
Et quand l’impiété se promène en tout lieu,
C’est le dernier refuge où l’on trouve encor Dieu !
Ô frère, écoute le langage,
Écoute l’avertissement,
Qu’ose te donner un Sauvage,
Dont l’âme est sans déguisement :
Quelquefois, quittant ma cabane,
Bâtie avec des lataniers,
Au bord de la grande savane,
Que traversent d’étroits sentiers, —
Je suis sorti des sanctuaires,
Qu’ombrage d’un feuillage épais
La forêt d’arbres séculaires,
La forêt qu’habite la paix ;
La forêt ténébreuse et calme,
Qui retentit de chants d’oiseaux,
Et que le baume du copalme,
Les parfums des verts arbrisseaux,