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Bienheureuse, en son deuil, la Vierge Solitaire :
L’âme doit s’effrayer des bonheurs de la terre !
La mort avec sa faulx moissonne chaque jour
Le rêve inaccompli qu’enfante un chaste amour !
An ! trop froide est la brise et trop sombre la grève,
Pour qu’y puisse mûrir le fruit de notre rêve !
La vie est un hiver et non pas un printemps ;
Pour l’âme, le bonheur n’est qu’au delà du temps ! —
Si le Vrai, si le Bien, si le Beau, dans le monde,
Fleurissaient applaudis ; si la vertu féconde,
La sainte ardeur de l’âme en ses attraits divins ;
Si l’amour exalté, si les nobles instincts,
N’étaient pas chaque jour ou l’objet de l’insulte,
Ou l’objet du mépris ; si le barde, en son culte,
Concentrant la lumière éparse en l’univers,
N’était craint pour l’esprit qu’il exprime en ses vers ;
Oui, la société pourrait alors se plaindre
De l’enfant qui s’isole et qu’elle devrait craindre :
Mais la société, les hommes ne sont plus
Qu’un vil entassement et qu’un amas confus ;
Mais la société, mais, de nos jours, le monde,
Pour les vendeurs de Dieu, n’est qu’un bazar immonde ;
Et quand tous vont au mal, agissant de concert,
L’homme, pour trouver Dieu, doit s’enfuir au désert !


marie-antonie.


D’un monde déréglé, si quelqu’un se détache ;
Si des bras de la chair, si du piège il s’arrache ;
Si pour sauver son âme, il méprise son corps ;
S’il place dans le ciel son cœur et ses trésors :
L’esprit de l’Évangile est l’esprit qui l’inspire ;
Il est grand devant Dieu ; l’Ange l’aime et l’admiré ;
Tu l’as dit : « Lorsque tous vont au mal de concert,
L’homme, pour trouver Dieu, doit s’enfuir au désert ! »
Viens, mon frère, et fuyons ! — à toi je m’associe ;
À l’autel avec toi je consacre ma vie ;
Comme deux luths émus d’un sympathique son,
Nos deux cœurs fraternels vibrent à l’unisson. —
L’un à l’autre semblable, en notre ardent génie,
Ne formons à nous deux qu’une sainte harmonie !
Allons combattre ensemble ; allons porter la croix ;
Le plus libre est celui qui sert le Roi des rois !
L’esclavage du vice est le seul esclavage !
La vertu nous inspire un mystique courage ;
Et s’affranchir du joug qu’impose Jésus-Christ,
C’est au joug du démon asservir son esprit !
L’homme est faible et changeant, mais la grâce divine
Le poursuit en tous lieux, l’attire et l’illumine ;
Avec l’aide d’en haut, l’homme peut ce qu’il veut
Ce que l’Europe a pu, l’Amérique le peut :