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ÉPILOGUE.

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Une seule âme est plus que l’univers entier :
Si ce livre aide une âme, en son essor altier ;
S’il l’aide en son attrait, l’éclairé et l’encourage ;
S’il l’arrache du monde et sauve du naufrage ;
Et si, dans son élan vers la perfection,
Elle y trouve une échelle à son ascension :
Ah ! béni soit l’Esprit qui l’a dicté, ce livre ;
J’ai fait une œuvre sainte et qui doit me survivre ;
J’ai fait une œuvre utile, en écrivant ces vers,
Et je peux mépriser le blâme des pervers !
 Ô Bonne Catherine, ô vierge d’Amérique,
Accepte, en l’abritant, mon poème ascétique : —
Je le sens, dans un siècle, où le grand nombre est roi,
J’aurais dû m’asservir à la commune loi ;
J’aurais dû proclamer l’éclat de la matière,
Parler d’activité, de progrès, de lumière ;
Et flattant les instincts de la majorité,
Voiler toute splendeur dont reluit l’unité ;
J’aurai dû publier, sans parler de Marie,
Les fatigues de Marthe, admirable en sa vie :
Mais je n’ai pu le faire, insensé que je suis !
C’est un rêve idéal que je chante et poursuis ;
L’imagination, sur ses ailes de flamme,
Au-dessus du désert a fait planer mon âme ;
Immobile, inactif, aux pieds du Dieu Sauveur,
L’amour n’a fait de moi qu’un poète rêveur ;
Oui, lorsque j’ai voulu chanter, en mon délire,
Au seul nom de Marie a pu vibrer ma lyre !
 Ce livre, qu’en mes bois j’ai longuement rêvé,
Tel qu’il est, je le donne, ouvrage inachevé. —
Après moi, doit venir un barde plus robuste,
Portant le sceau divin sur un front plus auguste !
La poésie aura de glorieux élus,
S’isolant pour chanter sous nos bois chevelus ;
Dans un saint tremblement, sous l’ombrage mystique,
Ils viendront invoquer la Muse érémitique,
Traduisant dans leurs chants les accords solennels,
Qu’on entend ruisseler des luths universels,